Mamie Luger de Benoît Philippon
Paru en Livre de Poche le 25 mars 2020
Résumé
Six heures du matin : Berthe, cent deux ans, canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate.
Huit heures : l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière. La grand-mère au Luger vide son sac, et le récit de sa vie est un feu d’artifice. Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave. Alors… Aveux, confession ou règlement de comptes ? Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser. Et pas qu’un peu.
Mon avis
Énorme coup de cœur pour Mamie Luger.
D’abord j’ai vraiment apprécié le style car Benoît Philippon a adopté une écriture qui résonne à vos oreilles plus que vous ne lisez avec vos yeux. C’est inhabituel, rafraîchissant et l’écriture contribue grandement à vous faire tourner les pages toujours plus vite. Une écriture très imagée aussi, presque un scénario. Prêts ? Le film de la vie de Berthe, alias Mamie Luger, va défiler devant vos yeux.
Ensuite, il y a Berthe évidemment. Cette mamie haute en couleurs, mais pas en taille. Elle dégaine les réparties plus vite que son ombre. C’est jubilatoire pour le lecteur ! Elle a beau avoir 102 ans, plus toutes ses dents… elle a conservé sa gouaille et autant dire que comme elle ne s’embarrasse plus des convenances, les dialogues sont aux petits oignons. J’ai adoré, souri, gloussé et même carrément ri en lisant Mamie Luger. Mon cœur s’est serré également car les émotions affleurent au récit de sa vie de femme.
Mamie Luger est une tranche d’humour mais pas seulement. C’est aussi le récit de la vie d’une femme qui s’est affirmée bien avant l’heure. Elle a décidé de s’affranchir du joug masculin et des convenances pour vivre comme elle l’entendait à une époque qui ne le permettait pas encore. Les rumeurs, les ragots sur son compte… Berthe n’en a toujours eu que faire.
Un roman très imagé
Mamie Luger c’est aussi la vie de Berthe et les meurtres qu’elle a commis au fil des ans. On alterne ses discussions durant la garde à vue avec l’inspecteur Ventura et le récit de ses souvenirs. Une garde à vue aux allures de confessions en quelque sorte. Au rythme de Mamie Luger : les phrases mitraillent mais le physique ne suit plus. Et c’est décrit très justement, avec finesse et humour. Les dialogues sont vraiment savoureux car ils mettent l’accent sur la différence d’époque des protagonistes.
Mamie Luger n’est pas du tout une douce grand-mère . C’est plutôt une mamie qui pique dès qu’on la dérange. Elle dégaine les piques verbales pour mieux dissimuler ses blessures.
Benoît Philippon alterne donc avec aisance les séquences très drôles et les épisodes tragiques qui ont émaillé la vie de Berthe. Son histoire d’amour avec un GI noir est particulièrement émouvante. Berthe reste un cœur à vif qui a eu recours aux coups de pelle mortels plus d’une fois quand la souffrance devenait trop intense. Mamie Luger, c’est aussi l’histoire d’une femme à qui la nature a refusé de faire devenir mère et l’on perçoit sous ses apparences acides toute la blessure en elle.
La vie n’a pas été tendre avec Berthe alors elle a rendu œil pour œil et dent pour dent ou plutôt salves de Luger et coups de pelle à ceux qui l’ont blessée. Une manière bien à elle de rendre justice en s’octroyant un concept maison de légitime défense.
Mamie Luger, un livre à découvrir absolument.