Le résumé
Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa « carlingue », branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s’offre à lui de l’autre côté du pare-brise.
Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle.
Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ?
Un soir, l’interphone sonne. Petit frère est de retour.
Dans ce premier roman incisif, Mahir Guven alterne un humour imagé et une gravité qu’impose la question du terrorisme. Il explore un monde de travailleurs uberisés, de chauffeurs écrasés de solitude, luttant pour survivre, mais décrit aussi l’univers de ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie : l’embrigadement, les combats, leur retour impossible en France… Émerge ainsi l’histoire poignante d’une famille franco-syrienne, dont le père et les deux fils tentent de s’insérer dans une société qui ne leur offre pas beaucoup de chances.
Mon avis
A la lecture de cet ouvrage, j’ai aisément compris pour quelle raison Mahir Guven a obtenu le Prix Goncourt du premier roman cette année.
L’écriture de Mahir Guven vous plonge ailleurs, mais alors complètement ailleurs. Il grandit au sein d’une famille d’émigrés, très tôt sans mère. Son père fait tout pour que ses deux garçons ne filent pas un mauvais coton. Lui-même conducteur de taxi, a renoncé à sa vie passée pour construire un avenir meilleur à ses enfants. L’un, Grand frère, est chauffeur de VTC au grand damne de son père. L’autre, Petit frère, est infirmier. Jusqu’au jour où…
Petit frère disparaît durant plusieurs années. Parti en Syrie ? Pourquoi ? Pour y faire quoi ? Les chapitres alternent tantôt avec la voix et les pensées de l’un, tantôt avec l’autre. L’un décrit sa vie parisienne, l’autre décrit une vie en Syrie, qu’il qualifie de travail dans l’humanitaire pour une ONG mais l’on sent bien que le terrorisme est là. Et puis un beau jour, Peut frère sonne à la porte. Il est de retour, l’air de rien. Mais Grand frère est interloqué, surpris pour ne pas dire méfiant. Mais que doit-il faire ? Protéger son frère ? Protéger son pays ? On le sent tiraillé.
Chacun ses idéaux, chacun ses croyances, ses méfiances. Le vocabulaire est tout sorti de la bouche d’une bande de jeunes mais tellement réaliste.
Ce roman vous heurte par son vocabulaire au début, vous percute par les récits glaçants qui sont détaillés. Mahir Guven décrypte l’intérieur notre société, effleure les démons de l’ubérisation et parle carrément du terrorisme. Ouahhhh !