L’épaisseur d’un cheveu de Claire Berest c’est la chronique d’une mort annoncée, mais surtout d’un homicide conjugal. Glaçant, Etienne bascule dans la folie ou alors a-t-il toujours été fou mais parvenait-il à masquer sa démence et ses obsessions…
« Je suis fascinée depuis toujours par les faits divers. Et dans un homicide conjugal, il y a deux motifs essentiels : le couple et la bascule. C’est un sujet que je creuse dans tous mes romans », expliquait Claire Berest lors de la présentation de la rentrée littéraire aux Éditions Albin Michel en juin dernier.
Un matin, on se lève et tout bascule… « Il y a 120 à 140 homicides conjugaux par an et cette statistique est stable. Je n’ai pas voulu écrire un roman sur la violence conjugale mais plutôt celui du moment où l’on déraille », poursuivait l’auteure.
Il y a évidemment dans le roman le questionnement du passage à l’acte. Le lecteur chemine avec Etienne au fil des pages. Etienne s’est approché de l’indicible et raconte ce qui reste « inénarrable ». Cet homme est correcteur de métier dans une maison d’édition. Mais il est correcteur à l’extrême, c’est une obsession pour lui et il se sent de plus en plus incompris professionnellement. D’ailleurs, on le reprend, on le met un peu sur la touche tant son obsession devint destructrice pour les textes qui lui sont confiés. Il a l’amour de la langue et du mot juste. Pour lui c’est important de traquer toutes les erreurs de langage, de sublimer tous les mots.
L’épaisseur d’un cheveu : la bascule
« Dans les homicides conjugaux, l’argent est saillant, c’est la bascule… », rappelle Claire Berest. Et puis il y a cette folie qui s’empare d’Etienne car il sent bien que Vive, son épouse, lui échappe. « Je te tue parce que je ne veux pas te perdre », c’est la bascule.
Vive et Etienne sont mariés depuis des années. Lui affectionne une existence de couple réglée comme une horloge. Rien ne doit venir déranger la petite musique qu’il a construite pour cette vie de couple et surtout Vive ne doit jamais, ô grand jamais, se désister des habitudes qu’il a imposées au fil des ans. Oui mais voilà, Vive a envie de vivre, de respirer, d’imprévu… Elle est photographe et vit dans le monde des arts. Etienne ne vit que pour ses corrections, son grand projet et les concerts classiques du mardi soir, rendez-vous rituel, immuable pour lui.
Un roman prenant et haletant
J’ia tourné très vite les pages de ce roman très intense. La fin est connue dès le début mais l’auteure nous permet de cheminer dans l’esprit d’Etienne. J’ai été saisie du début à la fin et j’ai donc beaucoup aimé.
Etienne a une attitude fort trompeuse. Il va se révéler au fil des pages. Un être étroit, borné et qui n’était probablement pas fait pour une vie de couple. En tous cas, pas pour les concessions. Ce fut glaçant de lire combien cet homme était déterminé, convaincu que la vie qu’il avait construite ne pouvait être qu’ainsi, qu’il pouvait décider de tout avec et pour Vive. Comment Etienne en vient-il à commettre l’irrémédiable ? S’est-il toujours fourvoyé ? Pourquoi finalement déraille-t-il à ce moment-là ? Il nie tout en bloc…
Un roman haletant, prenant, glaçant. Et j’ai beaucoup aimé cette manière de disséquer l’esprit d’Etienne.
4e de couverture L’épaisseur d’un cheveu
Etienne est correcteur dans l’édition. Avec sa femme Vive, délicieusement fantasque, ils forment depuis dix ans un couple solide et amoureux. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps.
Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite partition.
Ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage.
Implacable trajectoire tragique, L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre. Claire Berest met en place un compte-à-rebours avec l’extrême précision qu’on lui connaît pour se livrer à la fascinante autopsie d’un homme en route vers la folie.
La fiche du roman
- 23 août 2023
- Albin Michel
- 140 x 200
- 240 pages
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