S’adapter ou mourir d’Antoine Renand : un troisième roman dans lequel l’auteur se renouvelle et utilise sa plume de manière toujours aussi efficace. Il a un talent incroyable pour vous emporter dans ses histoires. Coup de coeur !
S’adapter ou mourir est un roman difficile. Toutefois, lire ces presque 600 pages vous plonge en apnée. Et c’est une aventure passionnante ! Antoine Renand prend le temps de poser la structure de son histoire. Il installe ses personnages. Tous sont extrêmement bien travaillés, décrits. Ils existent et prennent forme en quelques pages. Ils marquent votre imaginaire. Ils vont imprégner votre esprit et bien longtemps après que vous aurez refermé ce livre…
Antoine Renand a particulièrement bien décrit leurs différents traits de caractère et leur psychologie. C’est fin, cousu avec délicatesse et diablement efficace. Vous pourriez presque imaginer les croiser aujourd’hui ou demain. Des personnages forts qui vous percutent inévitablement !
Les coulisses de la modération en ligne
Le plus de ce roman ? Une approche originale pour évoquer les réseaux sociaux et une mise en lumière des modérateurs humains. Antoine Renand nous emmène dans les coulisses de la modération. C’est passionnant tout en étant effarant.
La force de ce roman réside également dans sa narration. L’auteur prend tout son temps pour vous plonger avec une efficacité redoutable dans l’intrigue que vous ne pouvez absolument plus lâcher. Un coup de maître ! Il tisse progressivement ses deux histoires en parallèle.
Cependant, vous vous demanderez en lisant quand et comment ces deux histoires vont se rejoindre. Tout est vraiment bien imbriqué dans la narration. Et quand les deux histoires finissent par se percuter, le rythme s’accélère et vous lisez sans plus vous arrêter. C’est dense et fort !
S’adapter ou mourir : comment sauver sa peau face à une réalité implacable
Il y a tout d’abord l’histoire d’Ambre, cette jeune fille de 17 ans, un peu perdue, en conflit avec sa mère. Elle s’enfuit avec son petit copain et séjourne chez un » ami « , rencontré sur un réseau social. Et là, Antoine Renand a très bien su mettre en évidence les dangers du virtuel, la fragilité de nos adolescents. En un mot, une réalité qui fait froid dans le dos.
Il nous dresse aussi le portrait d’un parfait psychopathe. Même si le personnage est plus que répugnant, j’ai vraiment apprécié la manière de conter cette partie de l’histoire, encore une fois très réaliste. Il nous décrit les mécanismes de l’emprise, de la domination, le doute, la manipulation.
On sent bien entendu que le roman est extrêmement bien documenté sur les psychopathes. J’ai trouvé très intéressant que l’auteur prenne le temps de décortiquer la manière dont ce personnage est né, a grandi et s’est affirmé dans son identité de psychopathe.
Dans la seconde histoire narrée en parallèle, on découvre Arthur. Un scénariste désabusé parvenu à la quarantaine. Dans sa vie, tout fout le camp, en commençant par son couple.
Contraint de prendre un job alimentaire pour survivre malgré tout, il devient modérateur de contenus pour Lifebook. « J’efface. Et tout va bien dans le meilleur des mondes ».
Comme si d’un clic, tout pouvait redevenir normal… Ce boulot de modérateur va complètement l’engloutir. Il se découvre une seconde jeunesse, change physiquement et remet en cause sa manière d’être et d’agir dans le monde qui l’entoure.
S’adapter ou mourir : les multiples facettes de l’humain
Arthur est issu du monde de l’image et il décrypte comme nul autre. Il devient très rapidement d’une efficacité redoutable pour modérer les contenus placés sous ses yeux, en flux continu dans sa journée de travail. Oui mais voilà, la surexposition à des images toujours plus infâmes, parmi lesquelles il doit déterminer l’intention de l’auteur, se révèle elle aussi très difficile à vivre. C’était inévitable sans aucun doute.
Un être humain a des sentiments, des émotions et évidemment nos modérateurs ne peuvent pas rester de marbre devant les horreurs auxquelles ils sont confortés sur leur écran jour après jour. Ils ne peuvent pas juste trier comme un robot qui cliquerait sur Bien ou Mal. Non… ces images s’impriment sur leurs rétines, envahissent leurs pensées jusqu’à ce qu’ils n’aient plus envie de se contenter de faire leur job, à savoir cliquer sur supprimer… Au travers d’Arthur et de ses collègues, Antoine Renand nous fait percevoir toute la frustration et l’impuissance que doivent ressentir ces modérateurs. Il nous interroge aussi : que devient un contenu que vous auriez pu signaler sur un réseau social ? Comment sera pris en compte ce signalement ? Y aura-t-il vraiment une suite ? Une action pour le Mal soit puni ? La justice peut-elle intervenir et comment ?
Antoine Renand reste très pudique dans ce qu’il décrit de ces images. Aucun voyeurisme et aucune surenchère mais une évocation des horreurs qui peuvent être postées sur les réseaux sociaux. Dans S’adapter ou mourir, la violence psychologique et la violence physique sont omniprésentes. Pourtant, l’auteur ne fait que les suggérer.
Antoine Renand garde beaucoup de retenue dans ce qui est décrit pour ne pas basculer dans le trop plein. Des suggestions, des évocations et le lecteur peut aisément imaginer le reste.
Un roman addictif
Alors, S’adapter ou mourir vous prend aux tripes. Ce que vous ressentez est violent. Vous ne pouvez pas ressortir indemne de cette lecture. Ça tape fort, très fort mais avec une plume hyper habile et très maîtrisée.
Un rythme et un suspense hyper bien conduits de bout en bout. Le palpitant du lecteur s’affole au rythme des pages qui défilent. Cette lecture est ultra addictive. S’adapter ou mourir reste un roman très visuel, parfaitement bien scénarisé avec une construction narrative très efficace. Et cette fin ! Chapeau bas tout simplement.
En trois romans, Antoine Renand est devenu pour moi une voix incontournable sur la scène du thriller. Il a un talent évident ! J’aime sa façon d’écrire, j’aime les histoires qu’il raconte. Je finirai en évoquant ce titre « S’adapter ou mourir » si bien trouvé. En quelques mots, tout est dit et illustre à la perfection l’existence de ses deux personnages principaux, Ambre et Arthur.
Vous avez donc deviné : je vous recommande vivement cette lecture.
Quatrième de couverture
Elle a 17 ans et s’est enfuie de chez sa mère pour se sentir enfin libre. Accompagnée de son petit ami, elle fait escale chez un homme qu’elle n’a jamais rencontré mais avec lequel elle discute depuis des mois sur Internet. Elle en a fait son confident. Alors qu’il pourrait bien s’agir du plus abject des monstres…
Il a 40 ans, est réalisateur de cinéma, en couple avec la même femme depuis leurs années de lycée. De soudains déboires conjugaux et professionnels le contraignent à trouver un job alimentaire : modérateur pour Lifebook, le plus important des réseaux sociaux. Sa mission : supprimer des vidéos interdites du fait de leur caractère choquant, sexuel ou ultraviolent.
Dans une société en constante évolution, où le précepte » S’adapter ou mourir » connaît des résonnances tant dans la folie meurtrière des hommes que dans le monde du travail, les destins de ces deux êtres, si éloignés au départ, finiront par s’entrechoquer.
La fiche du livre
- 7 octobre 2021
- Editions La Bête noire Robert Laffont
- 576 pages
- 140 x 225 mm
Je suis en train de relire l’empathie. Quelle belle chronique. S’adapter ou mourir ne laisse pas indifférent. Et cette fin. 💙 Merci pour cette magnifique chronique. 🙏😘