L’enfant thérapeute de Samuel Dock m’a fait pleurer et pas qu’une fois ! Mais quelle déclaration d’amour à sa mère derrière toutes ces souffrances endurées. Un récit émouvant et même poignant. Bravo d’avoir eu le courage d’écrire cette histoire si intime. C’est le récit d’un lien filial indestructible et celui du deuil de son enfance pour mieux se reconstruire.
L’enfant thérapeute est construit en trois parties. Une manière pour Samuel Dock de nous faire cheminer à la fois dans son histoire et de remonter le fil du passé de sa mère. J’ai été émue aux larmes avec ce récit. Tous les mots ont été savamment pesés avant d’être exprimés et partagés dans L’enfant thérapeute et le lecteur le sent forcément. Et quelle maitrise de la langue française !
Je trouve que ce récit traduit la quête éperdue d’une reconnaissance dans le regard de la mère. Il y a celle de Samuel qui veut exister dans les yeux de sa mère. Et puis il y a la quête de cette petite Thérèse qui chercha en vain à être aimée dès son plus jeune âge. Lire ce carnet écrit par Thérèse m’a déchiré le coeur. Samuel Dock choisit le carnet pour que sa mère raconte son histoire.
Première partie : l’incompréhension entre une mère et son fils
L’enfant thérapeute : les souffrances d’un fils qui veut à tout prix exister dans les yeux, dans le coeur et les mots de sa mère. Il essaie de la réparer pendant des années pour qu’elle le voit lui, un homme qui a encore une âme d’enfant, puis deviendra un jeune homme fragile. Il finit par la repousser tant il souffre à chacune de leurs rencontres. À chaque fois, irrémédiablement, toutes les souffrances du petit garçon ressurgissent tel un boomerang. Il se sent rejeté sans en comprendre vraiment les raisons pendant des années. Pas un rejet franc non mais un malaise omniprésent quand ils sont ensemble.
Ce jeune homme est hypersensible et extrêmement intuitif. Il a compris depuis probablement très longtemps au fond de lui cet acharnement de sa mère à vouloir soigner et sauver sa soeur. Elle est droguée, fragile, à la dérive… depuis toujours. Et de plus en plus au fil des ans.
Samuel active des mécanismes de défense pour les fuir, se protéger, se réaliser dans son métier, être réparé, un peu voire beaucoup, par son compagnon Dorian. Il veut juste être aimé, simplement et pouvoir être lui-même, sans artifice de temps en temps.
Quand il est en compagnie de sa mère, il réduit le temps à ses côtés pour moins souffrir. Cela génère aussi trop de déceptions. Alors chacun garde ses mots pour lui pour éviter plus de maux.
Surtout lui, car elle, sa mère libère les mots de temps en temps. Ce sont comme des flèches qui atteignent le coeur déjà meurtri de ce fils. Mais sous cette agressivité maternelle se dissimule une profonde douleur, le lecteur l’a compris.
Elle veut être aimée et sauver. Tout le temps et depuis toujours. En fin de compte, elle a la même quête que son propre fils. Elle veut se sauver ? Probablement !
Seconde partie : le carnet d’une petite fille meurtrie
Le journal d’une mère qui enfin va se livrer, se dévoiler et permettre à son fils de baisser lui aussi les armes. Là, je vous préviens ayez le coeur solidement accroché car ça fait mal très mal aux personnes sensibles et aux autres aussi je crois.
L’auteur aborde sans fard la maltraitance, les violences conjugales, les violences sur un enfant, des enfants… Un scénario qui se répète des années durant. Que j’ai eu mal pour cette petite fille ! Mon coeur était transpercé de lire tant de souffrances infligées à une toute jeune enfant (de 0 à 5 ans). Elle aura vécu le plus atroce depuis sa naissance. C’est inimaginable de faire souffrir autant son propre enfant. J’avoue que j’ai été sidérée.
Ce carnet c’est aussi le chemin d’une femme qui avait la rage de vivre, de survivre, un besoin éperdu d’être soignée, protégée, aimée. Elle a vécu le pire et parvient à s’en sortir grâce à » cette dame au manteau vert « . Elle connaîtra enfin un amour maternel de substitution mais il lui faudra des années avant de refaire confiance et c’est bien normal.
On ne lui a jamais appris à aimer, alors bien malgré elle, elle reproduit ou est victime du même schéma, une fois devenue adulte.
Elle fait mal à ses propres enfants, sans le vouloir mais pas avec des coups, non c’est plutôt des mots, de la maladresse. Elle veut sauver sa fille, lui permettre d’exister quand on a tout fait pour l’effacer, elle quand elle était petite fille. Croyant son fils plus solide, elle le fait souffrir. Pourtant elle les aime plus que tout au monde.
Troisième partie : la réconciliation
C’est le chemin de la réconciliation entre une mère et son fils. Le chemin sera long. Cette mère a enfin les yeux ouverts, tournés vers son fils. Elle veut réparer leur relation. Mais elle a compris qu’il faudra du temps avant qu’il ne lui accorde à nouveau sa confiance. Peut-il la croire ? Se laisser aller avec elle ? Il endosse le rôle du père pour sa propre soeur. Oui parlons-en du père… Un être abject qui n’aura rien fait pour ses enfants, si ce n’est les rabaisser, les ignorer. Samuel devient à son tour un sauveur. Bref L’enfant thérapeute !
Ce récit est beau, difficile mais tellement bien écrit ! L’enfant thérapeute livre ses douleurs mais aussi tant d’amour ! Un récit évidemment thérapeutique pour enfin panser les plaies, les maux de chacun dans cette relation mère-fils, fils-mère.
Samuel Dock livre son récit, dévoile son histoire et peut peut-être être enfin heureux… Il peut se l’autoriser alors que Thaïs, sa soeur, les tire inexorablement vers la noirceur. Ce récit c’est je crois le choix de s’isoler et de prendre ses distances avec ce(ux) qui blessent encore et toujours.
Merci pour ce livre magnifique bien douloureux à lire. J’ai pris mon temps pour le lire car j’ai souffert, vraiment à la lecture de tant de douleurs.
4e de couverture du récit
Pour faire le deuil de son enfance, Samuel Dock doit d’abord faire celui de l’enfance que sa propre mère n’a jamais eue. Il livre un récit poignant sur l’enfance maltraitée, ses saccages, la reconstruction et la puissance du lien filial.
À l’âge de cinq ans, la mère de Samuel, quatorzième enfant de sa fratrie, est confiée à la DDASS couverte de morsures, affamée et apeurée. Placée chez des religieuses, la petite fille commence une autre vie, préservée, en bordure du monde. Cette histoire, longtemps, elle n’a pu la raconter.
À l’adolescence, après le départ du père, Samuel voit son existence se désagréger dans l’ombre de sa soeur, anorexique, dans l’enfermement d’un quotidien hostile et dans la désolation d’une mère tourmentée. Brisé par le regret de n’avoir pu sauver sa famille, il la fuit avant de s’effondrer.
Adulte, devenu psychologue, il tente de faire entendre sa voix pour que change le sort des enfants maltraités.
Des années plus tard, mère et fils se retrouvent. La mère parle enfin, et le fils découvre alors son passé terrifiant. Elle l’a mis au monde, mais à trente-trois ans il la rencontre pour la première fois.
Ce livre est le récit d’un combat. Une quête de pardon et de réconciliation. Un hommage poignant aux victimes de violences. À toutes celles et tous ceux qui durent renoncer à secourir l’autre pour lui restituer son humanité et se sauver eux-mêmes. Pour cesser uniquement de survivre et commencer à vivre.
La fiche du récit L’enfant thérapeute
- 12 janvier 2023
- Plon Éditions
- 130 x 210 mm
- 336 pages