Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson m’a permis de découvrir la plume de l’auteur. Et quelle plume ! Un roman écrit avec empathie, sensibilité et une fine analyse.
Des larmes et tant d’émotions avec ce roman. Non je ne suis pas une pleureuse mais j’ai une sensibilité exacerbée et parfois les romans ont cette force de nous émouvoir au plus haut point. Ce fut le cas avec Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson.
Ceci n’est pas un fait divers : derrière la porte
Il y a des années de cela, j’étais journaliste en presse hebdomadaire puis en presse quotidienne régionale et j’ai été conduite à écrire des articles de faits divers. Je connais donc bien la mécanique d’écriture pour ces sujets-là. Des faits, on décrit des faits, uniquement des faits. C’est parfois difficile de mettre de côté ses émotions en découvrant ces fameux faits, mais le métier reprend le dessus et on écrit. J’ai même » couvert « , puisque tel est le vocabulaire du métier, des procès de Cour d’Assises et j’en reste marquée à vie. C’est le théâtre de la misère humaine et parfois même de la noirceur la plus extrême de certains êtres, qui n’ont plus rien d’humain. Une expérience très formatrice pour autant.
Bref, pour en revenir à Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson, j’ai donc particulièrement apprécié ce roman qui remonte le fil d’une » enquête » que choisit de mener un fils.
» Papa vient de tuer maman « . Une phrase courte, percutante et lourde de sens, prononcée au téléphone par une enfant de treize ans qui vient d’assister à l’innommable chez elle. À l’autre bout du téléphone, c’est une déflagration pour son grand frère de dix-neuf ans. Leur vie vient de basculer à tout jamais.
Une onde de choc va se propager dans toute leur existence et ils vont devoir réapprendre à vivre. Chagrin, colère, culpabilité… tout s’entremêle alors pour ce grand frère. Il décide de remonter le fil de sa vie pour chercher les indices qui pourraient expliquer l’inexplicable, l’inacceptable. Il saute dans le premier train pour rejoindre sa soeur et leur grand-père. Leur famille a volé en éclats pour toujours.
C’est un féminicide
Ce grand frère, c’est le narrateur du roman. Il pose les mots et décrit tous les sentiments qui jaillissent après cet événement. Et c’est tout sauf un fait divers ! Un frère et une soeur, orphelins. Une mère adorée qui s’est éteinte sous les coups et l’acharnement mortel de leur père. Elle, la plus jeune, était là dans la maison, à proximité des bruits. Elle a tout entendu… C’est elle qui tient sa mère dans ses bras au moment où elle expulse son dernier souffle. Abominable description d’un féminicide. Et pourtant Ceci n’est pas un fait divers…
Le médecin légiste examine le corps de leur mère tuée de dix-sept coups de couteau par leur père. L’auteur pratique l’autopsie de cette famille, décortiquant méticuleusement les prémices et les conséquences du drame avec la précision d’un scalpel. Des signes précurseurs, oui il y en eut : une jalousie excessive, de la violence psychologique une escalade dans les violences conjugales… Et puis la lâcheté de ceux qui avaient senti, deviné, vu mais qui n’ont rien fait !
Ce grand frère narrateur fouille le passé familial, la passé du couple formé par ses parents. Il analyse tout. Philippe Besson décrypte tout et c’est passionnant et en même très très émouvant.
Une narration fine, précise, sensible avec beaucoup d’empathie pour ces victimes trop souvent oubliées.
Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson, c’est un roman déchirant et difficile mais plus que nécessaire. Il y a décrit avec brio la mécanique de l’emprise, le pervers narcissique, la destruction méticuleuse de ce prédateur et aussi l’impuissance d’une victime, d’une femme maltraitée, son isolement, sa solitude, les protections qu’elle a érigées. Et tout le mal que ce père devenu meurtrier aura fait à ses enfants à tout jamais. J’ai pleuré en lisant ce que devenait cette jeune fille, ce qu’avait vécu ce jeune homme avant et les renoncements qu’ont entraînés ce féminicide.
Bref, un unique conseil : lisez-le !
4e de couverture du roman
Ils sont frère et sœur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans.
Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : » Papa vient de tuer maman. »
Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.
Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.
La fiche de Ceci n’est pas un fait divers
- 5 janvier 2023
- Éditions Julliard
- 140 x 200 mm
- 208 pages