L’homme battu d’Olivia Koudrine aborde les violences conjugales mais pas du point de vue le plus fréquemment traité. Immersion dans le quotidien d’un couple. Mais le dominant n’est pas celui que l’on croit.
L’homme battu : ici c’est lui qui subit, se tait, rase les murs pour ne pas agacer et déclencher l’ire de sa femme. Et au milieu de ces violences conjugales quotidiennes, leur fille. C’est elle, Justine, qui raconte.
Olivia Koudrine choisit d’aborder dans L’homme battu, le délicat sujet des violences conjugales. Encore plus délicat car elle parle ici d’un homme soumis à sa femme, des années durant.
L’homme battu : une victime soumise
Tout commence avec une rencontre et très vite une grossesse. Mais déjà sous la plume de l’auteure, on sent bien que quelque chose ne va pas. Un grain de sable s’est glissé dans cette histoire de couple tout juste naissant. Elle décide de tout et pour tous les deux.
Lui avait une histoire avec Suzelle, une autre jeune femme. Mais la famille s’étant opposée à ce couple mixte, leur relation n’a pas pu s’épanouir au grand jour.
Elle, la mère dominatrice, castratrice, c’est Delphine, professeure de maths, investie dans nombre d’associations. Lui, Jérôme, le père, était professeur de musique.
Dominatrice, manipulatrice, castratrice
Très tôt Delphine régente toute leur existence, leurs amitiés, la relation avec la famille. Mais de cela, on ne sait rien. Le lecteur va le découvrir au dur et à mesure que Justine remonte le fil de l’histoire paternelle.
En effet, le drame sous-jacent de ce roman, c’est l’éducation qu’elle a reçue. Conditionnée à un certain féminisme. En fait, mise en permanence face aux insultes, aux propos qui rabaissent un père pourtant aimant. Sa mère ira même jusqu’à lui faire croire qu’il a des gestes déplacés à son encontre.
Manipulatrice, castratrice, avec une soif de briller abominable, Delphine est une femme ignoble mais uniquement dans le cadre privé de son foyer. Enfin presque, elle ne manque aucune occasion de rabaisser son époux lors des dîners… Pourtant Justine grandit dans cette famille où l’on ne s’aime pas. Elle croit aveuglément en sa mère et ignore son père.
Jusqu’au décès de ce dernier. Là, elle va tenter de comprendre. Et ouvrir peu à peu les yeux sur ce père qu’elle a négligé finalement mais qui l’aimait profondément et qui est resté, a subi les pires ignominies pour pouvoir rester auprès d’elle, la voir grandir.
L’homme battu : l’éducation des enfants
Ce roman est fort, épouvantable aussi. On sent la colère gronder peu à peu en Justine. Car grandir dans ce milieu déséquilibré où l’un ne respecte pas l’autre a évidemment laissé des séquelles en elle.
Quelle image peut-elle avoir des hommes ? Quelle image gardera-t-elle de cet homme effacé et soumis ? On construit son identité et son rapport aux autres aussi selon le modèle de famille dans laquelle on grandit. Et là, autant dire que dès le départ tout est bancal.
La colère gronde, grossit, la submerge et elle va finir par se rebeller. Pour la mémoire de son père, pour rétablir la vérité et faire éclater aux yeux de tous ce qu’il était vraiment. Un homme malheureux, humilié, battu. La plume est cassante, les dialogues au scalpel. Ils révèlent toute la noirceur de cette histoire.
J’ai trouvé atroce cette manipulation, cette ignorance voulue pour ce que peut être l’autre. C’est nier l’identité de chacun, dominer, réduire à néant, écraser… Un besoin de nuire pour exister et briller, diminuer l’autre pour paraître supérieur.
L’auteure nous dresse le portrait d’un couple qui pourrait l’un de ceux qui vous entourent. C’est l’histoire d’une personnalité sensible, un homme, qui se soumet, qui jamais ne se rebellera. Pourtant ses amis auront percé à jour celle qui le rabaisse en permanence, l’humilie. Elle n’aura de cesse de l’éloigner des quelques moments où il pourrait être heureux. Elle l’isole de telle sorte qu’il ne peut, ou n’ose, rien tenter pour s’échapper.
Le roman est aussi de toute beauté quand Justine découvre enfin qui était son père.
Quatrième de couverture
Récit intime, féroce et drôle d’une fille de vingt ans, L’Homme battu est l’histoire d’une famille ordinaire.
Une mère autoritaire et manipulatrice, un père faible et effacé…
Justine plonge dans ses souvenirs et tente de trouver sa place dans un monde de faux-semblants, abruti par le prêt-à-penser.
Surprenante, insaisissable, attachante, la jeune femme incarne, sans le revendiquer et peut-être sans le savoir, la figure d’un féminisme éclairé.
La fiche du livre
- 12 mai 2021
- Editions du Cherche Midi
- 140 x 220 mm
- 256 pages